L’archipel repose sur des fondations solides : une charpente constituée d’un ensemble de 11 piliers en forme de V : cinq soutiennent le bâtiment le plus haut (la tour) et six autres le bâtiment voisin. Sébastien Achte, directeur de travaux chez VINCI Construction France , nous en dit plus sur ces arches uniques, au cœur d’un chantier exigeant.
Pourquoi une charpente en forme de « V » ?
Sébastien Achte : le premier rôle de la charpente est de soutenir la moitié des bâtiments. Les fameux V et les poteaux en forme d’éperons sur lesquels ils sont posés consolident l’ensemble de l’édifice. Ensuite, la forme particulière de la charpente permet de gagner un volume conséquent à l’intérieur même de chaque bâtiment : elle a en effet l’avantage de dégager de vastes zones, les V faisant eux-mêmes office de murs porteurs. Grâce à ce gain d’espace, les futurs locaux accueilleront notamment un auditorium et une partie de la restauration aux superficies plus grandes que d’ordinaire.
Juste pour la tour, chaque V supporte une charge d’environ 4 000 tonnes.

©Céline Clanet
Comment avoir réussi à rendre cet ouvrage esthétique ?
S. A. : une telle structure suppose une certaine complexité architecturale : conjuguer le caractère imposant des infrastructures avec un espace disponible très restreint, sans oublier les impératifs esthétiques d’un tel projet. La forme des poteaux en V s’est imposée comme la meilleure option, car elle permet d’intégrer la bonne répartition des charges dans un design fin et aéré. Les châssis vitrés présents entre chaque « jambe » des V vont également en ce sens.
Quelles problématiques techniques avez-vous dû résoudre ?
S. A. : la problématique majeure est indéniablement la manutention et l’assemblage des éléments, dans l’environnement extrêmement contraignant de construction du nouveau siège. Ces circonstances nous ont naturellement amenés à trouver de nouvelles solutions : après avoir réalisé des études de faisabilité, la composition des matériaux des poteaux et leur découpage ont été modifiés afin d’en faciliter la fabrication, la manutention et l’assemblage.
En quoi ces structures sont-elles différentes de l’ordinaire ?
S. A. : ces poteaux possèdent une structure mixte – une enveloppe de métal et d’acier et un intérieur vide –, c’est ce qui fait leur particularité. Chaque jambe du V est livrée sur site séparément. L’assemblage se fait directement sur leur position finale grâce à un système de poutres. L’avantage ? Des pièces plus légères à manutentionner pour les engins de levage, et donc, des opérations moins dangereuses.
La dernière étape consiste à injecter du béton armé depuis le bas du V, jusqu’à le remplir intégralement. Cette technique est la seule à ne laisser aucune poche d’air et assure une résistance optimale des poteaux. De plus, le béton armé est un excellent pare-feu, ce qui évite d’ajouter des couches de peinture coupe-feu, qui n’est pas la plus esthétique…
150 m³ de béton armé ont été nécessaires pour remplir les cinq V de 9 m de haut, aux pieds de la tour.
Quel a été votre plus grand défi ?
S. A. : plus encore que les aspects techniques, le timing a été le plus grand défi du projet : l’assemblage et le remplissage des cinq poteaux de la tour devait se faire en l’espace de trois jours. Une vraie course contre la montre ! Cette contrainte était liée aux créneaux de disponibilité – très limitée – des terrains de la SNCF, sur lesquels nous devions nous positionner pour réaliser cette opération. Pour que tout soit prêt dans les temps, une logistique d’horloger était essentielle, sans droit à l’erreur. À l’aide de grues automotrices d’une capacité de 500 tonnes, la charpente a finalement été montée en l’espace de 72 h, par le biais de livraisons nocturnes et d’assemblages durant la journée. Une réussite uniquement rendue possible grâce aux efforts de toutes les équipes mobilisées sur le projet !
« L’association du béton et du métal pour cette charpente en V constitue une vraie originalité sur un ouvrage de cette ampleur. »

© Aline Boros